Peut-on encore parler d’une «classe ouvrière» ?
Quand il théorise la classe ouvrière, Karl Marx l’entend au sens d’un groupe d’ouvriers qui a conscience d’être un groupe unifié. Cette conscience de classe vient d’une identité ouvrière propre – avec ses chants, ses jeux, ses luttes historique – et d’une représentation unifiée autour des organisations ouvrières, comme FO aujourd’hui. Les ouvriers ont conscience d’exister, mais la classe ouvrière existe-t-elle encore vraiment ?
Une population peu visible : seules 3% des personnes interviewées dans les médias sont des ouvriers, contre 61% de cadres, d’après le baromètre de la diversité du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Une sous représentation des ouvriers dans les médias mais aussi en politique. Si, en 1950, 1 salarié sur 2 était syndiqué, ce rapport n’est plus que de 1 sur 10 en 2000 selon la Dares. Le déclin des partis dits ouvriers en est la preuve : en 2002, Lutte Ouvrière obtenait près de 6% des voix au premier tour de l’élection présidentielle, en 2017 le parti de Nathalie Arthaud ne parvient même pas à dépasser les 1%.

Dans Ouvriers malgré tout, le sociologue Martin Thibault revient sur cette culture de classe. Il évoque la situation des jeunes ouvriers qui n’affichent plus avec fierté leur appartenance à la classe ouvrière, contrairement à leurs parents et grands-parents. « Ils racontent le temps qu’ils passent à se laver les mains en fin de journée pour ne pas porter les traces de l’ouvrier qu’ils sont. » Désormais, les ouvriers ne plus font la une que quand « des usines ferment ou quand on les accuse de voter Front national », pointe l’auteur.
On pense souvent que les ouvriers se retrouvent dans les partis de gauche. À tort. Contrairement aux propos de Gérard Filoche, membre du Bureau National du Parti Socialiste, qui déclarait en novembre 2016 sur France Info que « 70% des travailleurs […] votent à gauche », le premier parti chez les ouvriers est en réalité l’abstention. Selon les études du Cevipof sur les intentions de vote pour l’élection présidentielle, 42% des ouvriers choisissent l’abstention.
Légende : Évolution du vote ouvrier aux élections présidentielles de 2007 et 2012. Chiffres du Cevipof.